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Ex combattants de Tsahal, ils refusent maintenant de se taire et parlent
Combattants Israëliens
Combattants Israëliens

Micha, Dana, Noam, et Mikhael ont com­battu pour Tsahal. C’est la pre­mière fois que des offi­ciers israé­liens mani­festent à visage découvert leur contes­tation à propos des exac­tions infligées dans la bande de Gaza, entre 2000 et 2009.

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Des grenades pour faire peur

« On déboule dans un village pales­tinien à 3 heures du matin et on se met à lancer des gre­nades étour­dis­santes dans les rues. Pour rien, pour faire peur. On voyait les gens se réveiller affolés… On nous raconte que cela fait fuir les éven­tuels ter­ro­ristes. N’importe quoi… Par rotation, on faisait ça toutes les nuits. La routine. On nous disait “Bon­ne opé­ration”. On ne com­prenait pas pourquoi. »

Voler un hôpital

« Une nuit, nous avons l’ordre d’entrer de force dans une cli­nique d’Hébron qui appar­tient au Hamas. On confisque l’équipement : ordi­na­teurs, télépho­nes, impri­mantes, d’autres choses, il y en a pour des mil­liers de shekels. La raison ? Toucher le Hamas au por­te­feuille, juste avant les élec­tions du Par­lement pales­tinien, pour qu’il perde. Le gou­ver­nement israélien avait offi­ciel­lement annoncé qu’il n’allait pas tenter d’influencer cette élection… »

« On a tué un type par pure ignorance »

« On ne savait pas que, pendant le ramadan, les fidèles sortent dans la rue à 4 heures du matin avec des tam­bours pour réveiller les gens, qu’ils mangent avant le lever du soleil. On iden­tifie un type dans une allée qui tient quelque chose, on lui crie “stop”. Là, si le “suspect” ne s’arrête pas immé­dia­tement, la pro­cédure exige des som­ma­tions. “Arrêtez ou je tire”, puis on tire en l’air, puis dans les jambes, etc. En réalité, cette règle n’est jamais appliquée. On l’a tué, point. Et par pure igno­rance des rites locaux. »

Les paysans en larmes

« Nos exca­va­teurs dressent une bar­rière de sépa­ration en plein milieu d’un champ de figuiers pales­tinien. Le paysan arrive en larmes : “J’ai planté ce verger pendant dix ans, j’ai attendu dix ans qu’il donne des fruits, j’en ai profité pendant un an, et là, ils me le déra­cinent !” Il n’y a pas de solution de replantage. Il y a des com­pen­sa­tions seulement à partir de 41 % de terre confisquée. Si c’est 40 %, tu n’as rien. Le pire c’est que peut-être demain ils vont décider d’arrêter la construction de la barrière. »

Rendre ses galons, redevenir soldat

« On ins­talle des check points sur­prises. N’importe où, ça n’est jamais clair. Et soudain on arrête tout le monde, on contrôle leur permis. Il y a, là, des fem­mes, des enfants, des vieux, pendant des heures, parfois en plein soleil. On arrête des inno­cents, des gens qui veulent aller tra­vailler, trouver de la nour­riture, pas des ter­ro­ristes… J’ai dû le faire pendant cinq mois, huit heures par jour, ça m’a cassé. Alors j’ai décidé de rendre mes galons de commandant. »

« Notre mission : déranger, harceler »

« On est à Hébron. Comme les ter­ro­ristes sont des rési­dents locaux et que notre mission est d’entraver l’activité ter­ro­riste, la voie opé­ra­tion­nelle c’est de qua­driller la ville, entrer dans des maisons aban­données, ou des maisons habitées choisies au hasard – il n’y a pas de service de ren­sei­gnement qui nous pilote –, les fouiller, les mettre à sac… et ne rien trouver. Ni armes ni ter­ro­ristes. Les habi­tants ont fini par prendre l’habitude. Ils sont irrités, dépressifs, mais habitués car ça dure depuis des années. Faire souffrir la popu­lation civile, lui pourrir la vie, et savoir que cela ne sert à rien. Cela engendre un tel sen­timent d’inutilité. »

« Les punitions collectives »

« Mes actes les plus immoraux ? Faire exploser des maisons de sus­pects ter­ro­ristes, arrêter des cen­taines de gens en masse, yeux bandés, pieds et mains liés, les emmener par camions ; pénétrer dans des maisons, en sortir bru­ta­lement les familles ; parfois on revenait faire exploser la maison ; on ne savait jamais pourquoi telle maison, ni quels sus­pects arrêter. Parfois, ordre nous était donné de détruire au bull­dozer ou aux explosifs l’entrée du village en guise de punition col­lective pour avoir hébergé des terroristes. »

« Protéger des colons agressifs »

« On débarque dans le dis­trict de Naplouse pour assurer la sécurité des colons. On découvre qu’ils ont décidé d’attaquer Huwara, le village voisin, pales­tinien. Ils sont armés, jettent des pierres, sou­tenus en cela par un groupe de juifs ortho­doxes français qui filment, prennent des photos. Résultat : on se retrouve pris entre des Arabes surpris, ter­ro­risés, et notre obli­gation de pro­tection des colons. Un officier tente de repousser les colons dans leurs terres, il reçoit des coups, il y a des tirs, il aban­donne. On ne sait plus quoi faire : les retenir, pro­téger les Pales­ti­niens, nous pro­téger, une scène absurde et folle. On a fini par faire retourner les agres­seurs chez eux. Une dizaine d’Arabes ont été blessés. »

Assassiner un homme sans armes

« On est en poste dans une maison qu’on a vidée de ses occu­pants, on soup­çonne la pré­sence de ter­ro­ristes, on sur­veille, il est 2 heures du matin. Un de nos tireurs d’élite iden­tifie un mec sur un toit en train de marcher. Je le regarde aux jumelles, il a dans les 25-26 ans, n’est pas armé. On en informe par radio le com­mandant qui nous intime : “C’est un guetteur. Descendez-le.” Le tireur obéit. J’appelle cela un assas­sinat. On avait les moyens de l’arrêter. Et ça n’est pas un cas unique, il y en a des dizaines. »

Paru sur AFPS le 24 juillet 2014, de Paris-Match.

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